Le Swiss Income Monitor de la Banque Cler (BCSIM)
Parler d’argent, ça ne se fait pas. En Suisse, ce tabou touche plus particulièrement les salaires et les revenus. Peu de gens savent où se situent leurs revenus personnels en comparaison suisse. On sait donc peu de choses sur la répartition des revenus dans notre pays: quelles différences observe-t-on entre les cantons? Comment les revenus des classes inférieure, moyenne et supérieure ont-ils évolué ces dernières années?

Nous nous sommes penchés sur la période 2007-2018. Nous aurions aimé prendre en compte le présent, mais l’impact actuel de la crise du coronavirus sur l’économie, la société et les revenus est énorme. Il y a un an déjà, nous avions abordé les répercussions du recul du PIB sur les revenus des ménages suisses à prévoir. Une chose est claire: la crise du coronavirus va laisser des traces profondes au niveau des revenus et de leur répartition. Malheureusement, les effets de cette crise sanitaire ne peuvent pas encore être inclus dans l’analyse quantitative, car les informations détaillées nécessaires à cet effet ne seront disponibles qu’en janvier 2024.
Nous nous sommes penchés sur un autre sujet brûlant d’actualité, qui peut également avoir une influence sur la répartition des revenus, à savoir le risque accru d’inflation.
Pour en savoir plus.
1 Résumé
Évolution des revenus – Le revenu médian des ménages a augmenté de 7,9% en Suisse
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2018. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution positive de l’économie. Le revenu net (médian) des ménages suisses s’établit à environ 53'000 CHF. Durant la période observée, celui-ci a progressé de 3900 CHF (soit +7,9% au total, +0,8% par an). Le revenu net médian est le plus élevé dans le canton de Zoug (autour de 67'800 CHF, +12,6%) en raison de sa fiscalité avantageuse. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'500 CHF, +4,6%) et de Zurich (59'000 CHF, +10,5%). Les revenus nets médians sont les plus faibles au Tessin (44'500 CHF, +0%) et dans le Valais (42'000 CHF, +9,1%).
Répartition des revenus – De grandes différences en comparaison cantonale
Dans l’ensemble, la répartition des revenus en Suisse apparaît équilibrée en comparaison avec d’autres pays, les États scandinaves ainsi que nos voisins germanophones affichant des disparités de revenus moins marquées. La comparaison cantonale révèle toutefois d’importantes différences. La tranche des 10% des ménages aux revenus les plus élevés oscille entre 105'500 CHF minimum de revenus nets dans le canton du Valais et jusqu’à 196'700 CHF minimum dans le canton de Zoug (Suisse: 129'800 CHF). Cette valeur dépassait ainsi la barre des 100'000 CHF dans toute la Suisse. La moitié de tous les ménages du canton de Zoug perçoit un revenu supérieur à 67'800 CHF, Zoug se situant là encore en tête de classement pour ce chiffre. Par contre, dans le canton du Valais, la moitié de tous les ménages gagne moins de 42'000 CHF, et moins de 44'500 CHF dans le canton du Tessin.
L’évolution de la répartition des revenus est restée stable au fil du temps
Même si la période observée a été marquée par d'importantes difficultés économiques comme la crise financière, la crise de l'euro et l'abandon du taux plancher, la répartition des revenus en Suisse a conservé un niveau très stable. Selon le coefficient de Gini, les cantons dont la répartition des revenus est la plus équilibrée sont ceux d’Uri, d’Argovie et de Glaris. On observe une répartition inégale des revenus dans ceux de Zoug, de Schwytz et de Genève. La part de la classe moyenne dans le revenu total s’élève à 28,1%, soit 0,3 point de plus qu’en 2007, tandis que celle de la classe inférieure enregistre une hausse de 0,4% et celle de la classe supérieure un recul de 0,7%.
Où se situe votre revenu en comparaison suisse?
2 Evolution des revenus
Ce chapitre étudie l’évolution du revenu des ménages dans le temps. Le revenu d’un ménage ne se compose pas uniquement de salaires, mais peut également être constitué de rentes, de revenus locatifs et d’autres produits de capitaux. De ces sources de revenus inégales peuvent découler de nombreuses définitions différentes du «revenu», qui sont reprises dans différentes statistiques. Pour effectuer une comparaison, il est donc essentiel de connaître la définition et d’utiliser une définition uniforme.
Dans le BCSIM, on appelle «revenus» les revenus nets des statistiques fiscales. Le revenu net s’obtient lorsqu’on soustrait du revenu brut imposable (salaires, rentes, pensions alimentaires perçues, produits de capitaux et revenus locatifs) les dépenses fiscalement déductibles (cotisations sociales extraordinaires, pensions alimentaires versées, cotisations au 3e pilier et intérêts payés (intérêts hypothécaires, p. ex.)) et les déductions générales, telles que les frais de maladie et les dépenses dans le cadre de formations initiales et continues. Cette définition du revenu se prête particulièrement bien à une comparaison à l’échelle nationale, car des données uniformes et complètes en la matière sont disponibles pour tous les cantons, ce qui permet également d’analyser des changements spécifiques au fil du temps (p. ex. réformes fiscales). En outre, ce concept de revenu prend en compte toutes les sources de revenus et tient compte de la réalité des revenus «ordinaires» des ménages.
Hausse des revenus en Suisse
Combien un ménage suisse «gagne»-t-il véritablement en moyenne? En 2018, 69'200 CHF. Entre 2007 et 2018, le revenu net moyen a augmenté de 6100 CHF, soit une progression totale de 9,7%, ce qui correspond en moyenne à une hausse du revenu de 550 CHF. Si l’on regarde les différentes années, la crise financière n’a entraîné un ralentissement de la dynamique de croissance qu’en 2009 et 2010. Le revenu moyen suisse a augmenté tous les ans, sauf en 2012 et 2015, et de pas moins de 700 CHF rien qu’entre 2017 et 2018.
Évolution des revenus

Revenu net en CHF, taux de croissance en %
Source: AFC, BAK Economics
De manière générale, on peut constater que le revenu moyen (+0,8% par an) et le revenu médian (+0,7% par an) ont tous deux augmenté dans des proportions similaires en Suisse au cours de la période considérée.
Évolution du revenu médian
Revenu net médian en milliers de CHF
Source: AFC, BAK Economics
Le canton de Zoug, où la fiscalité est avantageuse, affiche les revenus les plus élevés – Le canton d’Obwald réalise la plus forte progression.
Dans quels cantons les habitants bénéficient-ils des meilleurs revenus? Et dans quels cantons doivent-ils se contenter de moins? Si l’on examine les différents cantons, les cantons de Zoug, de Schwytz et de Nidwald, où la fiscalité est avantageuse, sont en tête du classement des revenus moyens. Avec plus de 112'900 CHF, le canton de Zoug affiche le revenu moyen cantonal le plus élevé. Il devance ainsi la moyenne suisse d’environ 43'700 CHF. De plus, c’est le seul canton où le revenu moyen est supérieur à 100'000 CHF. Après Zoug suivent les cantons de Schwytz (98'400 CHF), Nidwald (82'600 CHF), Zurich (79'400 CHF) et Bâle-Campagne (76'000 CHF), Zurich et Bâle-Campagne ne comptant pas parmi les cantons les plus avantageux fiscalement. La charge fiscale ne constitue donc pas le seul facteur qui explique les différences. Dans ces cantons, les revenus élevés s’expliquent aussi par la structure sectorielle, comme à Zurich, où le secteur financier très important tire les revenus vers le haut avec des salaires élevés et de gros bonus. Par ailleurs, de nombreuses sociétés de conseil et d’audit se sont établies dans le canton de Zurich. Les revenus sont également plus élevés que la moyenne dans cette branche. À Bâle-Campagne (ainsi qu’à Bâle-Ville, où beaucoup de personnes habitant Bâle-Campagne touchent leur revenu), d’importantes entreprises internationales dans le domaine des sciences de la vie sont implantées; leurs employés perçoivent des revenus souvent très compétitifs en comparaison internationale et gagnent aussi plus que la moyenne en raison de la productivité élevée de la branche.
Au bas du classement figurent les cantons du Jura et du Valais, avec un revenu moyen de respectivement 54'100 CHF et 51'300 CHF. Dans ces cantons aussi, le niveau faible des revenus s’explique entre autres par la structure sectorielle. Dans ces deux cantons, les branches à hauts salaires sont sous-représentées et les secteurs économiques offrant des revenus plutôt faibles sont en revanche relativement développés. Ainsi, dans le canton du Valais par exemple, près de 10% des salariés travaillent dans l’hôtellerie et la restauration, alors que la moyenne suisse est d’à peine 4,5%. Dans le canton du Jura, les salariés travaillent en grande partie dans des branches à plus faible revenu. L’industrie manufacturière y emploie 35% des salariés, mais cela inclut également l’industrie pharmaceutique et l’industrie horlogère, qui affichent toutes deux un niveau de productivité élevé et, de manière générale, un bon niveau de salaire. À l’échelle de la Suisse, seuls 15% de tous les salariés travaillent dans ce secteur.
Dans trois cantons, le revenu moyen entre 2007 et 2018 a enregistré une hausse de plus de 15% durant la période observée (Suisse: +9,7%): l’augmentation est d’environ 22% dans le canton d’Obwald, de 19% dans celui d’Uri et de 18% dans celui de Bâle-Ville. Le revenu moyen à Genève accuse quant à lui une légère baisse (-2,7%).
Pour éliminer la distorsion induite par un petit nombre de très gros revenus (qui pourraient influencer fortement la moyenne en particulier dans les petits cantons), l’étude se penche aussi sur le revenu médian. Le revenu médian est également le plus élevé dans le canton de Zoug, à la fiscalité avantageuse, et s’y élève à 67'800 CHF. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'500 CHF) et de Zurich (59'000 CHF). Les revenus nets médians sont les plus faibles au Tessin (44'500 CHF) et dans le Valais (42'400 CHF). Dans le canton du Tessin, les liens étroits avec la grande zone économique milanaise expliquent en partie le faible niveau des revenus. La proximité de la zone Euro accroît nettement la pression sur les prix et, partant, sur les revenus, par rapport à la moyenne suisse. Plus de 25% des salariés dans le canton du Tessin sont des frontaliers, qui ont des prétentions salariales nettement inférieures à celles des travailleurs suisses. Dans six cantons, le revenu médian a enregistré une hausse à deux chiffres durant la période observée: l’augmentation est de 17% dans le canton d’Obwald, de 15% dans celui d’Uri, de 12% dans ceux de Lucerne et de Thurgovie et de 11% dans ceux d’Appenzell Rhodes-Intérieures et de Schwytz (Suisse: +7,9%). Le canton d’Obwald a donc signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Ce n’est qu’à Genève que le revenu médian – tout comme le revenu moyen – a diminué durant la période sous revue (-5,3%).
Conclusion de l'évolution des revenus
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2018. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution positive de l’économie. Parmi les cantons suisses, c’est le canton de Zoug qui affiche le revenu moyen et médian le plus élevé. À l’autre bout du classement, on trouve le Valais, où le revenu (tant moyen que médian) est le plus faible. Le canton d’Obwald a signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Seul le canton de Genève a vu ses revenus chuter au cours de la période observée. Il convient de noter que cela ne signifie pas nécessairement que les revenus des ménages individuels ont baissé en moyenne: il peut aussi s’agir de l’effet d’un déplacement des structures des ménages, par exemple, si les ménages à hauts revenus ont davantage quitté le canton de Genève.
3 Répartition des revenus
Comment les revenus nets se répartissent-ils en Suisse? Ce graphique, appelé «Pen’s parade», indique tous les revenus des ménages suisses en percentiles, des valeurs qui divisent une série de données par ordre de grandeur en cent éléments. La répartition des revenus recouvre tout le spectre des revenus d’une population (du plus faible au plus élevé).
Répartition des revenus en Suisse
Revenu net des ménages en Suisse en 2016, en milliers de CHF
Source: AFC, BAK Economics
10% des ménages gagnent plus de 129'800 CHF et 50% des ménages, moins de 53'000 CHF
Le graphique est interprété comme suit: le 10e percentile (représenté par la 10e colonne à partir de la gauche) indique par exemple le niveau de revenu qui n’est pas dépassé par 10% des ménages. Le 50e percentile correspond au revenu médian.
En Suisse, la tranche de 10% des ménages au plus bas de l’échelle des revenus ne dépasse pas un revenu de 5700 CHF. Cette tranche rassemble principalement des élèves, apprentis et étudiants majeurs encore soutenus financièrement par leurs parents. En revanche, la tranche de 10% des ménages tout en haut de l’échelle dispose d’un revenu de plus de 129'800 CHF. Comme le montre déjà le revenu médian, la moitié des ménages en Suisse a un revenu net supérieur à 53'000 CHF, et l’autre moitié perçoit moins de 53'000 CHF.
La tranche supérieure de 10% des ménages gagne plus de 100'000 CHF tous cantons confondus
Comment se présente la répartition des revenus dans les cantons? La tranche des 10% des ménages aux revenus les plus élevés oscille entre 105'500 CHF minimum de revenus nets dans le canton du Valais et jusqu’à 196'700 CHF minimum dans le canton de Zoug (Suisse: 129'800 CHF). Cette valeur dépassait ainsi la barre des 100'000 CHF dans toute la Suisse. Le revenu net des ménages est le plus élevé dans le canton de Zoug (autour de 67'800 CHF, +12,6%) en raison de sa fiscalité avantageuse. Ce canton est suivi au classement par ceux de Bâle-Campagne (59'500 CHF, +4,6%) et de Zurich (59'000 CHF, +10,5%). C'est au Tessin (44'500 CHF, +0%) et en Valais (42'000 CHF, +9,1%) que les revenus nets des ménages sont les plus faibles.

Revenu des ménages en CHF, taux de croissance en %
Source: AFC, BAK Economics
10% des ménages gagnent plus d’un tiers du revenu global de la Suisse
Si, en matière de répartition des revenus, on ne considère pas les limites de revenu, mais les parts dans le revenu global, les ménages de la tranche inférieure de 10% gagnent environ 0,4% du revenu global. 50% des ménages représentent 16% du revenu global, tandis que 90% des ménages s’arrogent 58% du revenu. Inversement, cela signifie que largement plus d’un tiers (42%) du revenu global est généré par les ménages de la tranche supérieure de 10%.
La part de la tranche supérieure de 10% dans le revenu global oscille entre à peine un tiers dans le canton d’Uri et 60% dans le canton de Schwytz
Sous l’angle cantonal, les parts des différents groupes de ménages dans le revenu total varient considérablement. Dans le canton d’Uri, la moitié des ménages génère près de 22% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. C’est à Genève que cette part est la plus faible, avec à peine 10%.
90% des ménages perçoivent la part la plus élevée du revenu global (environ 69%) dans le canton d’Uri; à l’autre bout de l’échelle, on trouve le canton de Schwytz (40%). A contrario, cela signifie que, dans le canton d’Uri, la tranche supérieure de 10% des ménages génère 31% du revenu global, contre un peu plus de 60% dans le canton de Schwytz.
Vue d’ensemble de la répartition des revenus en Suisse
Le coefficient de Gini est l’indicateur le plus connu mesurant la répartition des revenus au moyen d’un chiffre unique. Ses valeurs s’étalent entre 0 et 1. La valeur 1 révèle l’inégalité la plus élevée: un seul ménage s’arroge alors tout le revenu d’un pays, ne laissant rien aux autres ménages. La valeur la plus faible est 0 et indique une égalité totale: chaque ménage d’un pays a alors exactement le même revenu. Plus le coefficient de Gini est faible, plus la répartition des revenus est équitable.
Le graphique suivant donne un aperçu du coefficient de Gini par canton.
Carte de la Suisse coefficient Gini
Source: AFC, BAK Economics
Répartition équilibrée des revenus en Suisse en comparaison internationale
En comparaison internationale, la répartition des revenus est équilibrée en Suisse. La Norvège, l’Autriche, la France et l’Allemagne affichent un coefficient de Gini inférieur à la Suisse. Par contre, de nombreux autres pays présentent une répartition des revenus nettement moins équilibrée que la Suisse.
Pour effectuer cette comparaison internationale, il faut veiller à utiliser une définition uniforme du revenu. Les coefficients de Gini de la Banque mondiale utilisés ici se basent sur une autre définition du revenu que le revenu net des ménages fiscaux. C’est pourquoi les valeurs du coefficient de Gini pour la Suisse dans la section suivante diffèrent des chiffres présentés plus haut. Dans l’optique d’une analyse détaillée de la répartition des revenus en Suisse, le revenu net constitue certes la source la plus appropriée, mais en raison des systèmes fiscaux très différents, il faut s’appuyer sur une autre définition pour la comparaison internationale.
Le coefficient Gini en comparaison internationale

2017
Source: Banque mondiale, BAK Economics
Aperçu des indicateurs

Source: AFC, BAK Economics
Conclusion de la répartition des revenus
La moitié de tous les ménages en Suisse ne génère que 16% du total des revenus. La tranche supérieure de 10% produit 42% du revenu global. Cependant, en comparaison internationale, la répartition des revenus est relativement équilibrée en Suisse dans l’ensemble. Entre 2007 et 2018, on a néanmoins assisté à un léger étalement des revenus suisses, surtout pour les 10% des ménages situés respectivement en haut et en bas de l’échelle des revenus. Cette évolution doit toutefois être considérée avec prudence, car l’augmentation continue des étudiants (généralement parmi les 10% de revenus les plus faibles) au fil des années peut influencer cette comparaison. En comparaison cantonale, la moitié des ménages du canton d’Uri génère 22% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. Dans le canton d’Uri, les ménages de la tranche supérieure de 10% captent la plus faible part du revenu global (31%), le chiffre le plus élevé, soit 60%, étant relevé dans le canton de Schwytz.
4 Évolution de la répartition
Comment la répartition des revenus a-t-elle évolué en Suisse et dans les cantons au cours des dernières années? Nous avons étudié la question.
Évolution stable de la répartition des revenus en Suisse durant la période observée – y compris dans les cantons
Même si la période observée a été marquée par d'importantes difficultés économiques comme la crise financière, la crise de l'euro et l'abandon du taux plancher, la répartition des revenus en Suisse a conservé un niveau très stable.
En 2018, le coefficient de Gini des revenus nets s’affichait à 0,48; par rapport à 2007 (0,47), il est donc resté extrêmement stable. En Suisse, le coefficient de Gini a diminué en 2009, 2012 et 2016, tandis qu’il a stagné en 2008 et 2015 et augmenté les autres années. La crise financière et économique mondiale de 2008 n’a donc pas eu, elle non plus, un impact tangible sur la répartition des revenus en Suisse. Même si la répartition des revenus n’a globalement guère changé, son évolution au cours de la période observée présente tout de même quelques aspects intéressants.
Coefficient Gini et quotient de quartile
Source: BAK Economics
Carte de Suisse «Évolution de l’indicateur %» (Gini, médiane)
Source: AFC, BAK Economics
Le quotient de quartile montre une légère augmentation de l’inégalité de répartition.
Le quotient de quartile indique le rapport entre les revenus de la tranche inférieure de 25% et ceux de la tranche supérieure de 25%. Le quotient de quartile affiche également des valeurs comprises entre 0 et 1; toutefois, leur lecture est inversée par rapport au coefficient de Gini: plus le rapport est élevé, plus la répartition entre les quartiles est équitable. En Suisse, la tranche de 25% des ménages les plus pauvres n’a pas dépassé un revenu de 26'200 CHF. Dans la tranche supérieure de 25% des ménages, le seuil de revenu se situe à 86'100 CHF. Cela donne un quotient de quartile de 0,304. Le quotient de quartile s’inscrit à la baisse en Suisse depuis 2007 (en 2007, il s’affichait encore à 0,322). Selon le quotient de quartile, le déséquilibre dans la répartition s’est donc légèrement accru durant la période observée.
Les cantons de Genève et du Tessin affichent la plus forte hausse du déséquilibre dans la répartition
Dans les cantons de Zoug (36'200 CHF), d’Argovie (34'100 CHF) et de Nidwald (34'000 CHF), le revenu de la tranche de 25% des ménages les plus pauvres est le plus élevé, le revenu le plus faible dans cette même tranche revenant aux cantons du Tessin (19'100 CHF), de Genève (16'900 CHF) et du Valais (10'300 CHF). Dans la tranche de 25% des ménages les plus riches, le seuil de revenu est le plus bas dans le canton du Valais (71'500 CHF) et le plus élevé (115'700 CHF) dans le canton de Zoug. Le quotient de quartile le plus élevé (0,389) est celui du canton d’Uri, le plus bas (0,144), celui du canton du Valais. La répartition des revenus est donc la plus équitable dans le canton d’Uri et la moins équitable dans le canton du Valais.
Dans 21 des 26 cantons, le quotient de quartile est en recul depuis 2007. Selon le quotient de quartile, le déséquilibre dans la répartition des revenus a donc eu tendance à s’accroître durant la période observée. C’est dans les cantons de Genève et du Tessin que ce déséquilibre est le plus net; le quotient de quartile y est en baisse de respectivement 8 et 5 points de pourcentage. Dans quelques cantons, la répartition des revenus s’est en revanche davantage équilibrée. Ce constat est particulièrement manifeste dans les cantons du Valais (+2,5 points de pourcentage), des Grisons (+3 points de pourcentage) et d’Obwald (+3,1 points de pourcentage), comme l’indique la hausse du quotient de quartile.
Seuil de revenu de la classe moyenne en hausse d’environ 7,9% – Hausse également dans la quasi-totalité des cantons
Comme les individus aiment se comparer les uns aux autres et se répartissent aussi mutuellement en groupes sociaux, les catégorisations faciles sont très prisées. Selon une définition courante, la classe moyenne rassemble les personnes qui ont un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. Les revenus situés sous 70% du revenu médian appartiennent à la classe inférieure, ceux supérieurs à 150% du revenu médian, à la classe supérieure.
On appartient donc à la classe moyenne suisse à partir d’un revenu net annuel de 37'100 CHF. Cela signifie qu’environ 34% des ménages faisaient partie de la classe inférieure. À l’autre bout de l’échelle, la classe supérieure rassemble les ménages dont le revenu net est supérieur à 79'500 CHF. Cela représente environ 28% des ménages. La classe moyenne se compose des 38% restants des ménages. Si l’on examine l’évolution depuis 2007, le seuil de revenu de la classe moyenne a augmenté de 7,9%, de la même manière que d’autres indicateurs de revenu.
Dans le canton de Zoug, on ne fait partie de la classe moyenne qu’à partir d’un revenu de 47'460 CHF. C’est le seuil de revenu de la classe moyenne le plus élevé en comparaison cantonale. Dans les cantons de Bâle-Campagne, de Zurich, d’Argovie, de Schwytz et de Nidwald aussi, le seuil est supérieur à 40'000 CHF. Cela signifie que dans les cantons de Zoug et de Zurich, environ 34% des ménages appartiennent à la classe inférieure, dans ceux de Schwytz et de Bâle-Campagne, 33%, et dans ceux de Nidwald et d’Argovie, 32%. À l’autre bout de l’échelle de répartition, appartiennent à la classe supérieure dans le canton de Zoug les ménages disposant d’un revenu de plus de 101'700 CHF (plus de 87'000 CHF dans le canton de Nidwald). Ainsi, la classe supérieure rassemble environ 30% des ménages dans le canton de Zoug, 29% dans celui de Schwytz, 28% dans ceux de Bâle-Campagne et de Zurich et 27% dans ceux d’Argovie et de Nidwald. Dans les cantons d’Argovie et de Nidwald, 41% des ménages appartiennent à la classe moyenne, 39% dans le canton de Bâle-Campagne, 38% dans les cantons de Zurich et de Schwytz, et 36% dans le canton de Zoug.
Si l’on examine l’évolution depuis 2007, on s’aperçoit que le seuil de revenu de la classe moyenne a augmenté dans tous les cantons, sauf dans celui de Genève (-5,3%). Les cantons d’Obwald, d’Uri, de Thurgovie, de Lucerne et de Schwytz affichent les taux de croissance les plus élevés.
La répartition des revenus est restée stable au fil du temps
La part de la classe moyenne dans le revenu total s’élève à 28,1%, soit 0,3 point de plus qu’en 2007, tandis que celle de la classe inférieure enregistre une hausse de 0,4% et celle de la classe supérieure un recul de 0,7%.
Si l’on répartit les ménages suisses non en classes de revenu (inférieure, moyenne, supérieure), mais en quatre groupes d’égale importance sur la base des quartiles, on obtient le graphique suivant pour la Suisse:
Classes de revenu en Suisse

Source: BAK Economics
La part des ménages situés dans la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global s’établit à 3,5%. Les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) détiennent 63% du revenu global. La tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages représente quant à elle 33,5% du revenu global.
La part de la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global est la plus élevée dans le canton d’Uri (6%). La part de la tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages est la plus élevée dans le canton d’Uri, où elle atteint 47,4% du revenu global. Par conséquent, les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) dans le canton d’Uri perçoivent la plus faible part du revenu global (46,6%). Les parts respectives des revenus moyens et supérieurs sont les plus élevées dans les cantons de Genève, de Schwytz et de Zoug.
Taux de risque de pauvreté en hausse
Le taux de risque de pauvreté correspond à la part de la population dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté se situe à 60% du revenu médian. Quand tous les revenus doublent, le taux de risque de pauvreté ne change pas; c’est un indicateur relatif qui ne mesure pas la pauvreté absolue.
Le taux de risque de pauvreté a augmenté légèrement au cours de la période sous revue. Cela peut néanmoins être dû au fait que le nombre d’apprentis et d’étudiants (âgés de plus de 18 ans et dès lors imposables) a également augmenté au cours de cette période.
Conclusion de l’évolution de la répartition
Le tableau ci-après présente quelques indicateurs pour la Suisse, ainsi que leur évolution entre 2007 et 2018.
Aperçu des indicateurs
Suisse | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur moyenne | 63'149 | 64'774 | 64'825 | 65'281 | 66'487 | 65'495 | 65'983 | 67'086 | 66'932 | 67'929 | 68'567 | 69'283 |
Médian | 49'100 | 50'100 | 50'400 | 50'500 | 50'800 | 50'800 | 51'100 | 51'400 | 51'400 | 52'400 | 52'600 | 53'000 |
Écart-type | 110'158.00 | 112'046.00 | 108'232.00 | 110'557.00 | 110'200.00 | 108'111.00 | 109'968.00 | 113'550.00 | 113'723.00 | 114'371.00 | 117'896.00 | 119'860.00 |
Coefficient de variation | 1.744415303 | 1.729795605 | 1.669596436 | 1.693554044 | 1.657467044 | 1.65066267 | 1.666620392 | 1.692597883 | 1.699084512 | 1.683685622 | 1.719436353 | 1.730021526 |
Écart-interquartile | 53'100 | 54'300 | 55'100 | 55'900 | 56'300 | 56'700 | 57'100 | 57'700 | 58'200 | 59'200 | 59'500 | 59'900 |
Quartile de quota | 0.322 | 0.322 | 0.318 | 0.313 | 0.313 | 0.309 | 0.308 | 0.306 | 0.302 | 0.303 | 0.302 | 0.304 |
Coefficient Gini | 0.474268317 | 0.47405082 | 0.473068297 | 0.475828767 | 0.482586801 | 0.475003749 | 0.476872593 | 0.481599867 | 0.481698066 | 0.479336858 | 0.481901795 | 0.481107175 |
Theil-Index | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Remarque: pour pouvoir évaluer l’évolution des écarts interquartiles au fil du temps, ce chiffre doit être corri-gé en fonction de la croissance des revenus. Source: BAK Economics
5 Digression: fortune
Le nombre de millionnaires en très nette augmentation
Entre 2007 et 2018, le nombre de millionnaires a augmenté de pas moins de 53% pour dépasser les 330'000 ménages, soit 6,2% des ménages suisses au total. Avec 13,4%, le canton de Zoug enregistre la part de millionnaires la plus élevée par rapport à la population totale, suivi des cantons de Schwytz (13%), de Nidwald (10,6%) et de Zurich (9%).
Cette hausse ne s’explique ni par le renchérissement (pratiquement nul), ni par la migration. Outre l’évolution positive des revenus, l’évolution des cours des titres et des prix de l’immobilier en particulier ont contribué à cette hausse. Le krach boursier lors de la crise financière en 2008 apparaît aussi dans les chiffres. Pourtant, le nombre de millionnaires ne cesse de croître depuis lors.
Millionnaires

Nombre de personnes
Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Fortune des millionnaires

En millions de CHF
Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Globalement, la fortune de tous les ménages privés a aussi fortement augmenté. La fortune immobilière en particulier s’est accrue de près de 65%, à 2043 milliards de CHF (soit 543'000 CHF par ménage), durant la période observée. Au total, la fortune privée des Suisses a augmenté de près de 46%, à 4596 milliards de CHF, au cours de la période observée (env. 1,22 million de CHF par ménage). L’effondrement engendré par la crise financière de 2008 apparaît clairement au niveau des créances financières (qui rassemblent les avoirs bancaires et les obligations, mais aussi les actions, les fonds communs de placement et les prétentions envers des assurances et des caisses de pension) et par conséquent aussi au niveau de la fortune totale. Ces valeurs patrimoniales s’entendent brutes. Si l’on déduit les engagements financiers de 886 milliards de CHF, la fortune nette des ménages privés était de 3710 milliards de CHF en 2018.
Fortune des ménages privés

En millions de CHF
Source: Banque nationale suisse, fortune des ménages privés
Conclusion de la répartition de la fortune
En résumé, on peut dire qu’au total, en raison de la forte hausse des valeurs immobilières et boursières durant la période 2007 à 2018, les fortunes ont augmenté bien plus fortement en Suisse que les revenus ou le PIB. Le nombre de millionnaires et leur fortune ont dès lors également très nettement progressé.
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