Le Swiss Income Monitor de la Banque Cler (BCSIM)
Parler d’argent, ça ne se fait pas. En Suisse, ce tabou touche plus particulièrement les salaires et les revenus. Peu de gens savent où se situent leurs revenus en comparaison suisse. Quelles différences observe-t-on entre les cantons? Comment les revenus des classes inférieure, moyenne et supérieure ont-ils évolué ces dernières années? L’écart entre pauvres et riches n’arrête-t-il pas de se creuser? Quel impact la crise économique de 2008 a-t-elle eu sur l’évolution des revenus en Suisse?

Nous nous sommes penchés sur le passé et non sur le présent, même si nous aurions aimé pouvoir également en tenir compte. L’impact actuel de la crise du coronavirus sur l’économie et la société en 2020 est énorme et touche quasiment tous les domaines de la vie. BAK Economics estime que la performance économique va accuser un recul à deux chiffres entre avril et juin. Pour l’ensemble de l’année 2020, l’institut table sur une baisse de 5,8% du PIB suisse. Si la Suisse essuie des échecs dans la lutte contre le virus et que les mesures de protection doivent de nouveau être renforcées au troisième trimestre, une baisse à deux chiffres du PIB est probable (-12,4%).
Ce recul a aussi un impact sur les revenus des ménages suisses. Une chose est déjà claire pour 2020: la crise du coronavirus va laisser des traces. Comme les chiffres les plus récents dont dispose l’Administration fédérale des contributions datent de 2016, les répercussions n’apparaîtront dans les statistiques fiscales que dans quatre ans environ.
1 Résumé
Évolution des revenus – hausse des revenus en Suisse
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2016. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution positive de l’économie. Le revenu net médian des ménages suisses s’établissait à environ 52 400 CHF en 2007. Entre 2007 et 2016, il a augmenté de 3'300 CHF (+6,7% au total, +0,7% par an). Le revenu net médian est le plus élevé dans le canton de Zoug (autour de 65'000 CHF) en raison d’une fiscalité avantageuse. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'400 CHF) et de Zurich (58'000 CHF). Les revenus nets médians sont les plus faibles au Tessin (44'300 CHF) et dans le Valais (41 200 CHF).
Répartition des revenus – De grandes différences en comparaison cantonale
Dans l’ensemble, la répartition des revenus en Suisse apparaît équilibrée par comparaison avec d’autres pays. Entre 2007 et 2016, la disparité des revenus s’est toutefois légèrement accrue en Suisse, en particulier dans les tranches de 10% des ménages aux revenus respectivement les plus faibles et les plus élevés. En 2016, 10% des contribuables gagnaient plus de 127'800 CHF et 50% des contribuables, plus de 52 400 CHF. La tranche inférieure de 10% des contribuables gagne le plus dans le canton de Nidwald (12'600 CHF), soit plus du double que partout ailleurs en Suisse (5'300 CHF). Les revenus de la tranche supérieure de 10% des ménages imposables se situent entre au moins 104'200 CHF dans le canton du Valais et au moins 185'200 CHF dans le canton de Zoug (Suisse: 127'800 CHF).
L’évolution de la répartition – La Suisse résiste à la crise économique de 2008
Tant en Suisse que dans les cantons suisses, la répartition des revenus a été relativement constante durant la période observée. La crise financière et économique mondiale de 2008 n’a pas eu, elle non plus, un impact tangible sur la répartition des revenus. Selon le coefficient de Gini, les cantons affichant la répartition la plus équilibrée des revenus sont ceux d’Uri, d’Argovie et de Glaris. La répartition des revenus est en revanche relativement inégalitaire dans les cantons de Zoug, de Schwyz et de Genève. Au total, l’inégalité dans la répartition des revenus s’est légèrement accrue et il en va par conséquent de même pour l’écart entre pauvres et riches. En 2016, la part de la classe moyenne dans le total des revenus s’élevait à 27,2%, en recul de 0,7 point de pourcentage par rapport à 2007. En revanche, la classe inférieure a vu sa part augmenter de 0,7%. La part de la classe supérieure est restée constante. La classe moyenne a moins participé à la prospérité du pays durant la période observée.
Où se situe votre revenu en comparaison suisse?
2 Evolution des revenus
Le revenu d’un ménage ne se compose pas uniquement de salaires. Il se constitue également de rentes, de revenus locatifs et d’autres produits de capitaux. En Suisse, le revenu des ménages et des personnes fait l’objet de différentes statistiques. Le BCSIM analyse les revenus nets des statistiques fiscales. Le revenu net s’obtient lors-qu’on soustrait du revenu brut imposable (salaires, rentes, pensions alimentaires perçues, produits de capitaux et revenus locatifs) les dépenses fiscalement déductibles (cotisations sociales extraordinaires, pensions alimentaires versées, cotisations au 3e pilier et intérêts payés (intérêts hypothécaires, p. ex.)) et les déductions générales, telles que les frais de maladie et les formations initiales et continues.
Revenus en hausse en Suisse
Combien un ménage suisse «gagne»-t-il en fait en moyenne? En 2016, près de 68'000 CHF. Entre 2007 et 2016, le revenu net moyen a augmenté de près de 4'800 CHF, soit une progression de 7,6% au total. Si l’on regarde les différentes années, la crise financière n’a entraîné un ralentissement de la dynamique de croissance qu’en 2009 et 2010. Le revenu moyen suisse a augmenté tous les ans, sauf en 2012 et 2015.
Évolution des revenus

Revenu net en CHF, taux de croissance en %; Source: AFC, BAK Economics
De manière générale, on peut constater que tant le revenu moyen que le revenu médian ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2016, de façon constante par ailleurs (+0,8% et +0,7% par an respectivement).
Évolution du revenu médian
Revenu net médian en milliers de CHF; Source: AFC, BAK Economics
Le canton de Zoug, où la fiscalité est avantageuse, affiche les revenus les plus élevés – Le canton d’Obwald réalise la plus forte progression
Dans quels cantons les habitants bénéficient-ils des meilleurs revenus? Et dans quels cantons doivent-ils se contenter de moins? Si l’on examine les différents cantons, les cantons de Zoug, de Schwyz et de Nidwald, où la fiscalité est avantageuse, sont en tête du classement des revenus moyens. Avec un peu plus de 104'000 CHF, le canton de Zoug affichait le revenu moyen cantonal le plus élevé en 2016. Le canton de Zoug devance ainsi la moyenne suisse de plus de 35'000 CHF. De plus, c’est le seul canton où le revenu moyen est supérieur à 100'000 CHF. Après Zoug suivent les cantons de Schwyz (95'400 CHF), Nidwald (82'000 CHF), Zurich (77'200 CHF) et Genève (76'600 CHF), Zurich et Genève ne figurant néanmoins pas parmi les cantons à la fiscalité la plus avantageuse. Dans ces cantons, les revenus élevés s’expliquent entre autres par la structure sectorielle, avec un secteur financier très important qui entraîne les revenus vers le haut avec des salaires élevés et de gros bonus. Par ailleurs, de nombreuses sociétés de conseil et d’audit se sont établies dans le canton de Zurich. Les revenus sont également plus élevés que la moyenne dans cette branche. Outre les banques, on trouve aussi à Genève quelques organisations internationales dont les salariés ont pour la plupart des revenus très compétitifs en comparaison internationale et qui, pour certains, ne paient pas d’impôts sur le revenu. Au bas du classement figurent les cantons du Jura et du Valais, avec un revenu moyen de respectivement 53'000 CHF et 50'500 CHF. Dans ces cantons aussi, le niveau relativement faible des revenus s’explique entre autres par la structure sectorielle. Dans ces deux cantons, les branches à hauts salaires sont sousreprésentées et les secteurs économiques offrant des revenus plutôt faibles sont en revanche relativement développés. Ainsi, dans le canton du Valais par exemple, près de 10% des salariés travaillent dans l’hôtellerie et la restauration, alors que la moyenne suisse est d’à peine 4,5%. Dans le canton du Jura, les salariés travaillent en grande partie dans des branches à plus faible revenu. L’industrie manufacturière y emploie 35% des salariés. À l’échelle de la Suisse, seuls 15% de tous les salariés travaillent dans ce secteur. Dans trois cantons, le revenu moyen a augmenté de plus de 15% entre 2007 et 2016: dans le canton d’Obwald, il a progressé de près de 19%, dans celui de Bâle-Ville, de près de 16% et dans celui d’Uri, d’un peu plus de 15% (Suisse: +7,6%). Par contre, à Genève, le revenu moyen a légèrement baissé (-1,7%).
Pour éliminer la distorsion induite par un petit nombre de très gros revenus (qui pourraient influencer fortement la moyenne en particulier dans les petits cantons), l’étude se penche aussi sur le revenu médian. Le revenu médian est également le plus élevé dans le canton de Zoug, à la fiscalité avantageuse, et s’y élevait à 65'000 CHF en 2016. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'400 CHF) et de Zurich (58'000 CHF). Les revenus médians sont les plus faibles au Tessin (44'300 CHF) et dans le Valais (41'200 CHF). Dans le canton du Tessin, les liens étroits avec la grande zone économique milanaise expliquent en partie le faible niveau relatif des revenus. La proximité du territoire de l’UE accroît nettement la pression sur les prix et, partant, sur les revenus, par rapport à la moyenne suisse. Plus de 25% des salariés dans le canton du Tessin sont des frontaliers, qui ont des prétentions salariales nettement inférieures à celles des travailleurs suisses. Dans quatre cantons, le revenu médian a enregistré une hausse à deux chiffres durant la période observée: l’augmentation est de 16% dans le canton d’Obwald, de 12% dans celui d’Uri et de 10% dans ceux de Schwyz et de Thurgovie (Suisse: +6,7%). Le canton d’Obwald a donc signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Dans deux cantons, le revenu médian a baissé durant la période observée: dans le canton du Tessin (-0,4%) et – tout comme le revenu moyen – dans le canton de Genève (-4,6%).
Conclusion de l'évolution des revenus
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2016. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution de l’économie. Parmi les cantons suisses, c’est le canton de Zoug qui affiche le revenu moyen et médian le plus élevé. À l’autre bout du classement, on trouve le Valais, où le revenu (tant moyen que médian) est le plus faible. Le canton d’Obwald a signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Dans le canton de Genève, les revenus ont diminué au cours de la période observée.
3 Répartition des revenus
Comment les revenus nets se répartissent-ils en Suisse? Le graphique suivant indique tous les revenus des ménages suisses en percentiles, qui divisent une série de données par ordre de grandeur en cent éléments. La répartition des revenus recouvre tout le spectre des revenus (du plus faible au plus élevé) d’une population.
Répartition des revenus en Suisse
Revenu net des ménages en Suisse en 2016, en milliers de CHF; Source: AFC, BAK Economics
10% des contribuables gagnent plus de 127'800 CHF – 50% des contribuables, moins de 52'400 CHF.
Le graphique est interprété comme suit: le dixième percentile (représenté par la 10e colonne à partir de la gauche) indique par exemple le niveau de revenu qui n’est pas dépassé par 10% des contribuables. Le 50e percentile correspond au revenu médian.
En Suisse, en 2016, la tranche de 10% des ménages imposables au plus bas de l’échelle des revenus n’a pas dépassé un revenu de 5'300 CHF. Cette tranche rassemble principalement des élèves, apprentis et étudiants majeurs encore soutenus financièrement par leurs parents. En revanche, la tranche de 10% des contribuables tout en haut de l’échelle disposait d’un revenu de plus de 127'800 CHF. Comme le montre déjà le revenu médian, 50% des contribuables en Suisse avaient un revenu net supérieur à 52'400 CHF en 2016.
Quand l’écart s’accroît entre les différents percentiles, la disparité des revenus augmente, lorsqu’il se réduit, les revenus se compriment. En Suisse, on observe une disparité des revenus en légère hausse entre 2007 et 2016; sont plus particulièrement touchés les contribuables des tranches inférieure et supérieure de 10%.
La tranche inférieure de 10% des contribuables gagne le plus dans le canton de Nidwald et plus du double que partout ailleurs en Suisse
Comment se présente la répartition des revenus dans les cantons? En 2016, c’est le canton de Nidwald qui affichait les revenus les plus élevés dans la tranche inférieure de 10%. Dans cette tranche, les ménages y ont un revenu maximum de 12'600 CHF. Soit plus du double de la moyenne suisse. Dans les cantons d’Uri (11'200 CHF), d’Argovie (10'400 CHF) et d’Appenzell Rhodes-Intérieures (10'100 CHF), la tranche inférieure de 10% des contribuables avait un revenu de plus de 10'000 CHF. Dans les cantons du Valais et de Genève, le revenu maximum de cette tranche inférieure de 10% ne dépassait pas respectivement 1'700 CHF et 700 CHF, soit les chiffres les plus bas en comparaison cantonale. Hormis la structure sectorielle, le nombre important d’étudiants et de personnes en formation majeurs ayant des emplois de vacances ou à temps partiel pourrait également expliquer ces revenus inférieurs.
En 2016, les revenus nets de la tranche supérieure de 10% des ménages imposables se situaient entre au moins 104'200 CHF dans le canton du Valais et au moins 185'200 CHF dans le canton de Zoug: CHF 127'800). Cette valeur dépassait donc la marque des 100'000 CHF partout en Suisse. Comme l’a déjà montré le revenu médian, 50% des contribuables du canton de Zoug disposaient d’un revenu supérieur à 65'000 CHF, ce qui place également ce canton en tête du classement pour cette valeur. Inversement, dans le canton du Valais, 50% des contribuables gagnent moins de 41'200 CHF (moins de 44'300 CHF dans le canton du Tessin).
10% des contribuables gagnent plus d’un tiers du revenu global de la Suisse
Si, en matière de répartition des revenus, on ne considère pas les limites de revenu, mais les parts dans le revenu global, les contribuables de la tranche inférieure de 10% gagnaient environ 0,3% du revenu global en 2016. 50% des contribuables représentaient à peine 17% du revenu global. 90% des contribuables s’arrogeaient 59% du revenu. Inversement, cela signifie que plus d’un tiers (41%) du revenu global était généré par les contribuables de la tranche supérieure de 10%.
La part de la tranche supérieure de 10% dans le revenu global oscille entre un tiers dans le canton d’Uri et 50% dans le canton de Schwyz
Sous l’angle cantonal, en 2016, les ménages imposables de la tranche inférieure de 10% du canton d’Uri détenaient proportionnellement la part du revenu global la plus importante (0,9%). Viennent ensuite les cantons de Glaris et d’Argovie, où 0,7% du revenu global revient aux contribuables de la tranche inférieure de 10%. Les contribuables de la tranche inférieure de 10% captent la plus faible part du revenu global (0,1% et moins) dans les cantons du Jura, de Neuchâtel, du Tessin, du Valais et de Genève.
Dans le canton d’Uri, la moitié des ménages imposables générait près de 23% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. C’est à Genève que cette part est la plus faible, avec à peine 11% environ.
90% des ménages imposables percevaient la part la plus élevée du revenu global (un peu plus de 70%) dans le canton d’Uri; à l’autre bout de l’échelle, on trouve le canton de Schwyz (près de 45%). A contrario, cela signifie que dans le canton d’Uri, la tranche supérieure de 10% des ménages générait 30% du revenu global, contre 55% dans le canton de Schwyz.
Vue d’ensemble de la répartition des revenus en Suisse
Le coefficient Gini est l’indicateur le plus connu mesurant la répartition des revenus au moyen d’un chiffre unique. Ses valeurs s’étalent entre 0 et 1. La valeur 1 révèle l’inégalité la plus élevée: un seul ménage s’arroge alors tout le revenu d’un pays, ne laissant rien aux autres ménages. La valeur la plus faible est 0 et indique une égalité totale: chaque ménage d’un pays a alors exactement le même revenu. Plus le coefficient Gini est faible, plus la répartition des revenus est équitable. Le graphique suivant donne un aperçu du coefficient Gini par canton.
Carte de la Suisse coefficient Gini
Source: AFC, BAK Economics
Répartition équilibrée des revenus en Suisse en comparaison internationale
En comparaison internationale, la répartition des revenus est relativement équilibrée en Suisse. Seules la Norvège, l’Autriche et l’Allemagne affichent un coefficient Gini inférieur à la Suisse. Par contre, de nombreux autres pays présentent une répartition nettement moins équilibrée des revenus que la Suisse. Le coefficient Gini de la Banque mondiale est basé sur une autre définition des revenus que le revenu net des ménages fiscaux. C’est pourquoi les chiffres pour la Suisse divergent au chapitre suivant.
Le coefficient Gini en comparaison internationale

2016; Source: Banque mondiale, BAK Economics
Aperçu indicateurs

Source: AFC, BAK Economics
Conclusion de la répartition des revenus
Dans l’ensemble, la répartition des revenus en Suisse apparaît équilibrée par comparaison avec d’autres pays. Entre 2007 et 2016, la disparité des revenus s’est toutefois légèrement accrue en Suisse, en particulier dans les tranches de 10% des ménages aux revenus respectivement les plus faibles et les plus élevés. En 2016, la moitié de tous les ménages imposables en Suisse ne générait que 17% du total des revenus. La tranche supérieure de 10% produisait 41% du revenu global. En comparaison cantonale, la moitié des ménages imposables du canton d’Uri générait près de 23% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. Dans le canton d’Uri, les ménages de la tranche supérieure de 10% captaient la plus faible part du revenu global (près de 30%), le chiffre le plus élevé, soit 55%, étant relevé dans le canton de Schwyz.
4 Évolution de la répartition
Comment la répartition des revenus a-t-elle évolué en Suisse et dans les cantons au cours des dernières années? Nous avons étudié la question et avons fait d’intéressants constats.
Répartition des revenus globalement stable en Suisse durant la période observée – y compris dans les cantons
La répartition des revenus a été relativement constante en Suisse durant la période observée. En 2016, le coefficient Gini des revenus nets s’affichait à 0,48; par rapport à 2007 (0,47), le coefficient Gini est donc resté quasiment stable. En Suisse, le coefficient Gini a diminué en 2009, 2012 et 2016, tandis qu’il a augmenté les autres années. La crise financière et économique mondiale de 2008 n’a donc pas eu, elle non plus, un impact tangible sur la répartition des revenus en Suisse. Même si la répartition des revenus n’a globalement guère changé, son évolution au cours de la période observée présente quand même quelques aspects intéressants.
Coefficient Gini et quotient de quartile
Source: BAK Economics
Carte de Suisse «Évolution de l’indicateur %» (Gini, médiane)
Source: AFC, BAK Economics
L’écart entre riches et pauvres s’est légèrement creusé
Le quotient de quartile indique le rapport entre les revenus de la tranche inférieure de 25% et ceux de la tranche supérieure de 25%. Le quotient de quartile affiche également des valeurs comprises entre 0 et 1; toutefois, leur lecture est inversée par rapport au coefficient Gini: Plus le rapport est élevé, plus la répartition entre les quartiles est équitable. En Suisse, en 2016, la tranche de 25% des ménages les plus pauvres n’a pas dépassé un revenu de 25'700 CHF. Dans la tranche supérieure de 25% des ménages, le seuil de revenu se situait à 84'900 CHF. Cela donne un quotient de quartile de 0,303. Le quotient de quartile s’inscrit à la baisse en Suisse depuis 2007 (en 2007, il s’affichait encore à 0,322). Selon le quotient de quartile, le déséquilibre dans la répartition s’est donc légèrement accru durant la période observée.
Les cantons de Genève et du Tessin affichent la plus forte hausse du déséquilibre dans la répartition
Dans les cantons de Zoug (34'900 CHF), d’Argovie (33'700 CHF) et de Nidwald (33'200 CHF), le revenu de la tranche de 25% des ménages les plus pauvres était le plus élevé, le revenu le plus faible dans cette même tranche revenant aux cantons du Tessin (19'100 CHF), de Genève (17'000 CHF) et du Valais (9'500 CHF). Dans la tranche de 25% des ménages les plus riches, le seuil de revenu était le plus bas dans le canton du Valais (70'800 CHF) et le plus élevé (111'000 CHF) dans le canton de Zoug. Le quotient de quartile le plus élevé (0,391) est celui du canton d’Uri, le plus bas (0,134), celui du canton du Valais. La répartition des revenus est donc la plus équitable dans le canton d’Uri et la moins équitable dans le canton du Valais.
Dans 20 des 26 cantons, le quotient de quartile est en recul depuis 2007. Le déséquilibre dans la répartition des revenus a donc eu tendance à s’accroître durant la période observée. C’est dans les cantons de Genève et du Tessin que ce déséquilibre a été le plus net; le quotient de quartile y était en baisse de respectivement 8 et 5 points de pourcentage. Dans quelques cantons, la répartition des revenus s’est en revanche davantage équilibrée. La chose est particulièrement manifeste dans les cantons du Valais (+ 1,5 point de pourcentage), d’Obwald (+2,6 points de pourcentage et des Grisons (+ 2,9 points de pourcentage), comme l’indique la hausse du quotient de quartile.
Seuil de revenu de la classe moyenne en hausse d’environ 7% – Hausse également dans la quasitotalité des cantons
Comme les gens aiment se comparer les uns aux autres et se répartissent aussi mutuellement en groupes sociaux, les catégorisations faciles sont très prisées. Selon une définition courante, la classe moyenne rassemble les gens qui ont un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. Les revenus situés sous 70% du revenu médian appartiennent à la classe inférieure, ceux supérieurs à 150% du revenu médian, à la classe supérieure.
En 2016, on appartenait donc à la classe moyenne suisse à partir d’un revenu net annuel de 36 680 CHF. Cela signifie qu’environ 35% des ménages faisaient partie de la classe inférieure en 2016. À l’autre bout de l’échelle, la classe supérieure rassemble les ménages dont le revenu net est supérieur à 78'600 CHF. Cela représente environ 28% des ménages. La classe moyenne se compose des 37% restants des ménages. Si l’on examine l’évolution depuis 2007, le seuil de revenu de la classe moyenne a augmenté de 6,7%.
Dans le canton de Zoug, en 2016, on ne faisait partie de la classe moyenne qu’à partir d’un revenu de 45'500 CHF. C’était le seuil de revenu de la classe moyenne le plus élevé en comparaison cantonale. Dans les cantons de Bâle-Campagne, de Zurich, d’Argovie, de Schwyz et de Nidwald aussi, le seuil était supérieur à 40'000 CHF. Cela signifie que dans les cantons de Zoug et de Zurich, environ 35% des ménages appartenaient à la classe inférieure, dans celui de Schwyz, 34%, dans ceux de Nidwald et de Bâle-Campagne, environ 33%, et dans celui d’Argovie, 31%. À l’autre bout de l’échelle de répartition, appartiennent à la classe supérieure dans le canton de Zoug les ménages disposant d’un revenu de plus de 97'500 CHF (plus de 86 250 CHF dans le canton de Nidwald). Ainsi, la classe supérieure rassemble environ 30% des ménages dans le canton de Zoug, 29% dans celui de Schwyz, 28% dans ceux de Bâle-Campagne et de Zurich et 27% dans ceux d’Argovie et de Nidwald. Dans le canton d’Argovie, 42% des ménages appartiennent à la classe moyenne, dans celui de Nidwald, 40%, dans le canton de Bâle-Campagne, 39%, dans les cantons de Zurich et de Schwyz, 37%, et dans le canton de Zoug, 35%.
Si l’on examine l’évolution depuis 2007, on s’aperçoit que le seuil de revenu de la classe moyenne a augmenté dans tous les cantons, sauf dans ceux du Tessin (-0,4%) et de Genève (-4,6%). Les cantons d’Obwald, d’Uri, de Schwyz et de Thurgovie affichent les taux de croissance les plus élevés.
La part de la classe inférieure dans le revenu global en Suisse s’est accrue au détriment de la classe moyenne
En 2016, la part de la classe moyenne dans le total des revenus s’élevait à 27,2%, en recul de 0,7 point de pourcentage par rapport à 2007. En revanche, la classe inférieure a vu sa part augmenter de 0,7%. La part de la classe supérieure est restée constante. La classe moyenne a donc moins pu participer à la prospérité du pays durant la période observée.
Si l’on répartit les ménages suisses non en classes de revenu (inférieure, moyenne, supérieure), mais en quatre groupes d’égale importance sur la base des quartiles, on obtient le graphique suivant pour la Suisse:
Classes de revenu en Suisse

Source: BAK Economics
La part des ménages situés dans la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global s’établissait à 3,5% en 2016. Les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) détenaient 61,7% du revenu global. La tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages représentait quant à elle 34,8% du revenu global.
La part de la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global était la plus éle-vée dans le canton d’Uri (6% en 2016). La part de la tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages était la plus élevée dans le canton d’Uri, où elle atteignait 44,2% du reve-nu global. Par voie de conséquence, les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) dans le canton d’Uri captent la plus faible part du revenu global (51,5%). Les parts respectives des revenus moyens et supérieurs sont les plus élevées dans les cantons de Genève, de Schwyz et de Zoug.
L’évolution de la part des bas revenus dans le revenu global est très contrastée selon le canton. Cette part a fortement augmenté dans les cantons d’Obwald, des Grisons, de Bâle-Ville et du Valais. En revanche, les cantons de Vaud, du Jura, de Neuchâtel, du Tessin et de Genève affichent un net recul de la part des bas revenus. Au total, les bas revenus ont perdu des parts. Les parts des revenus moyens dans le revenu global ont légèrement augmenté dans les cantons durant la période observée, les plus fortes hausses ayant été relevées dans les cantons de Schwyz, du Valais et de Nidwald. Dans quelques cantons, les revenus moyens ont aussi perdu du terrain (Vaud, Genève, Neuchâtel, Bâle-Ville, Appenzell Rhodes-Extérieures, Tessin). À l’inverse, les revenus supérieurs ont connu une évolution positive, puisqu’ils ont encore davantage participé à la prospérité durant la période observée.
Taux de risque de pauvreté en hausse
Le taux de risque de pauvreté correspond à la part de la population dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté se situe à 60% du revenu médian. Quand tous les revenus doublent, le taux de risque de pauvreté ne change pas; c’est un indicateur relatif qui ne mesure pas la pauvreté en soi.
Entre 2007 et 2016, le taux de risque de pauvreté a augmenté de 0,6 point de pourcen-tage, passant de 5% à 5,6%. Statistiquement, la pauvreté s’est donc accrue en Suisse. Cela peut néanmoins être dû au fait que le nombre d’apprentis et d’étudiants (âgés de plus de 18 ans et dès lors imposables) a également augmenté au cours de la période observée.
Conclusion de l’évolution de la répartition
Le tableau ci-après présente quelques indicateurs pour la Suisse, ainsi que leur évolution entre 2007 et 2016.
Aperçu indicateurs
Suisse | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur moyenne | 63'149 | 64'774 | 64'825 | 65'281 | 66'487 | 65'495 | 65'983 | 67'086 | 66'932 | 67'929 |
Médian | 49'100 | 50'100 | 50'400 | 50'500 | 50'800 | 50'800 | 51'100 | 51'400 | 51'400 | 52'400 |
Écart-type | 110'157.59 | 112'046.10 | 108'232.37 | 110'557.04 | 110'200.29 | 108'110.95 | 109'967.88 | 113'549.77 | 113'723.49 | 114'371.08 |
Coefficient de variation | 1.74 | 1.73 | 1.67 | 1.69 | 1.66 | 1.65 | 1.67 | 1.69 | 1.70 | 1.68 |
Écart-interquartile | 53'100 | 54'300 | 55'100 | 55'900 | 56'300 | 56'700 | 57'100 | 57'700 | 58'200 | 59'200 |
Quartile de quota | 0.32 | 0.32 | 0.32 | 0.31 | 0.31 | 0.31 | 0.31 | 0.31 | 0.30 | 0.30 |
Coefficient Gini | 0.47 | 0.47 | 0.47 | 0.48 | 0.48 | 0.48 | 0.48 | 0.48 | 0.48 | 0.48 |
Theil-Index | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Source: BAK Economics
5 Digression: fortune
Le nombre de millionnaires en très nette augmentation
Entre 2007 et 2016, le nombre de millionnaires a augmenté de pas moins de 43% pour atteindre 311'000 personnes. Cette hausse ne s’explique ni par le renchérissement (pratiquement nul), ni par la migration. Outre l’évolution positive des revenus, l’évolution des cours des titres et des prix de l’immobilier en particulier ont contribué à cette hausse. Le krach boursier qui a suivi la crise financière en 2008 est également visible dans les chiffres. Depuis pourtant, le nombre de millionnaires ne cesse de croître.
Millionnaires

Nombre de personnes; Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Fortune des millionnaires

En millions de CHF; Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Fortune des ménages privés

Fortune en CHF; Source: Banque nationale suisse, fortune des ménages privés
Conclusion de la répartition de la fortune
En résumé, on peut dire qu’au total, en raison de la forte hausse des valeurs immobilières et boursières durant la période 2007 à 2016, les fortunes ont augmenté bien plus fortement en Suisse que les revenus ou le PIB. Le nombre de millionnaires et leur fortune ont dès lors également progressé.
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