Le Swiss Income Monitor de la Banque Cler (BCSIM)
Parler d’argent, ça ne se fait pas. En Suisse, ce tabou touche plus particulièrement les salaires et les revenus. Peu de gens savent où se situent leurs revenus personnels en comparaison suisse. On sait donc peu de choses sur la répartition des revenus dans notre pays: quelles différences observe-t-on entre les cantons? Comment les revenus des classes inférieure, moyenne et supérieure ont-ils évolué ces dernières années?

L’impact des événements marquants, de la pandémie de coronavirus à la guerre en Ukraine en passant par l'inflation, sur l’économie, la société et les revenus est énorme. Une chose est sûre: les crises laissent derrière elles des traces profondes au niveau des revenus et de leur répartition. Les effets ne peuvent être inclus dans l’analyse quantitative que lorsque les informations détaillées nécessaires sont disponibles – toujours quatre ans plus tard.
Dans l'édition actuelle, nous nous sommes penchés sur le développement pendant la période 2007–2019. Chaque mise à jour annuelle ne modifie pas fondamentalement la répartition des revenus en Suisse, mais plutôt de façon ponctuelle. Par exemple, le revenu médian et le revenu moyen ont augmenté plus fortement en 2019 que la moyenne des années précédentes. Cette augmentation des revenus est largement répartie au niveau régional et ne se concentre pas sur certains cantons à hauts revenus. Dans tous les cantons, les ménages gagnent en moyenne plus qu'en 2018. Pour la première fois, il y a deux cantons dans lesquels le revenu moyen est supérieur à 100 000 CHF. En outre, la répartition des revenus nets est constante depuis 2011, à quelques petites variations près, c'est-à-dire qu'elle n'est ni plus inégale ni plus égale.
Vous trouverez les résultats détaillés dans le BCSIM ci-dessous.
1 Résumé
Évolution des revenus – Le revenu médian des ménages a augmenté de 9,2% en Suisse
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2019. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution positive de l’économie. Le revenu net (médian) des ménages suisses s’établit à environ 53'600 CHF. Durant la période observée, celui-ci a progressé de 4500 CHF (soit +9,2% au total, +0,7% par an). Le revenu net médian est le plus élevé dans le canton de Zoug (autour de 68'400 CHF, +13,6%), avantageux d'un point de vue fiscal. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'900 CHF, +5,3%) et de Zurich (59'700 CHF, +11,8%). Les revenus nets médians sont les plus faibles au Tessin (44'600 CHF, +0,2%) et dans le Valais (42'400 CHF, +10,1%).
Répartition des revenus – De grandes différences en comparaison cantonale
Dans l’ensemble, la répartition des revenus en Suisse apparaît équilibrée en comparaison avec d’autres pays, les États scandinaves ainsi que nos voisins germanophones affichant des disparités de revenus moins marquées. La comparaison cantonale révèle toutefois d’importantes différences: la tranche des 10% des ménages aux revenus les plus élevés oscille entre 106'200 CHF minimum de revenus nets dans le canton du Valais et jusqu’à 199'900 CHF minimum dans le canton de Zoug (Suisse: 131'100 CHF). Cette valeur dépasse ainsi la barre des 100'000 CHF dans toute la Suisse. La moitié de tous les ménages du canton de Zoug perçoit un revenu supérieur à 68'400 CHF, Zoug se situant là encore en tête de classement pour ce chiffre. Par contre, dans le canton du Valais, la moitié de tous les ménages gagne moins de 42'400 CHF, et moins de 44'600 CHF dans le canton du Tessin.
Répartition des revenus – évolution stable au fil du temps
Même si la période observée (2007 – 2019) a été marquée par d'importantes difficultés économiques comme la crise financière, la crise de l'euro et l'abandon du taux plancher, la répartition des revenus en Suisse a conservé un niveau très stable.
Selon le coefficient de Gini, les cantons dont la répartition des revenus est la plus équilibrée sont ceux d’Uri, d’Argovie et de Soleure. On observe une répartition inégale des revenus dans ceux de Zoug, de Schwyz et de Genève. La part de la classe moyenne dans le revenu total s’élève à 26,8%, soit 0,9 point de pourcentage de moins qu’en 2007, tandis que celle de la classe inférieure enregistre une hausse de 0,2% et celle de la classe supérieure une hausse de 0,7%.
2 Evolution des revenus
Ce chapitre étudie l’évolution du revenu des ménages dans le temps. Le revenu d’un ménage ne se compose pas uniquement de salaires, mais peut également être constitué de rentes, de revenus locatifs et d’autres produits de capitaux. De ces sources de revenus inégales peuvent découler de nombreuses définitions différentes du «revenu», qui sont reprises dans différentes statistiques. Pour effectuer une comparaison, il est donc essentiel de connaître la définition et d’utiliser une définition uniforme.
Dans le BCSIM, on appelle «revenus» les revenus nets des statistiques fiscales. Le revenu net s’obtient lorsqu’on soustrait du revenu brut imposable (salaires, rentes, pensions alimentaires perçues, produits de capitaux et revenus locatifs) les dépenses fiscalement déductibles (cotisations sociales extraordinaires, pensions alimentaires versées, cotisations au 3e pilier et intérêts payés [intérêts hypothécaires, p. ex.]) et les déductions générales, telles que les frais de maladie et les dépenses dans le cadre de formations initiales et continues. Cette définition du revenu se prête particulièrement bien à une comparaison à l’échelle nationale, car des données uniformes et complètes en la matière sont disponibles pour tous les cantons, ce qui permet également d’analyser des changements spécifiques au fil du temps (p. ex. réformes fiscales). En outre, ce concept de revenu prend en compte toutes les sources de revenus et tient compte de la réalité des revenus «ordinaires» des ménages.
Hausse des revenus en Suisse
Combien un ménage suisse «gagne»-t-il véritablement en moyenne? En 2019, 70'400 CHF. Entre 2007 et 2019, le revenu net moyen a augmenté de presque 7300 CHF, soit une progression totale de 11,5%, ce qui correspond en moyenne à une hausse du revenu de 600 CHF par an. Si l’on regarde les différentes années, la crise financière n’a entraîné un ralentissement de la dynamique de croissance qu’en 2009 et 2010. Le revenu moyen suisse a augmenté tous les ans, sauf en 2012 et 2015, et de pas moins de 1100 CHF rien qu’entre 2018 et 2019.
Évolution des revenus

Revenu net en CHF, taux de croissance en %
Source: AFC, BAK Economics
De manière générale, on peut constater que le revenu moyen (+0,9% par an) et le revenu médian (+0,7% par an) ont tous deux augmenté dans des proportions similaires en Suisse au cours de la période considérée.
Évolution du revenu médian
Revenu net médian en CHF
Source: AFC, BAK Economics
Le canton de Zoug, avantageux d'un point de vue fiscal, affiche les revenus les plus élevés
Dans quels cantons les habitants bénéficient-ils des meilleurs revenus? Et dans quels cantons doivent-ils se contenter de moins? Si l’on examine les différents cantons, les cantons de Zoug, de Schwyz et de Nidwald, avantageux d'un point de vue fiscal, sont en tête du classement des revenus moyens. Avec plus de 116'700 CHF, le canton de Zoug affiche le revenu moyen cantonal le plus élevé. Il devance ainsi la moyenne suisse d’environ 46'300 CHF. Pour la première fois, un autre canton que Zoug a atteint un revenu moyen supérieur à 100'000 CHF. Dans le canton de Schwyz, les ménages gagnent en moyenne environ 102'300 CHF. Après Zoug et Schwyz, on trouve les cantons de Nidwald (90'000 CHF), Zurich (80'600 CHF), Obwald (79'900 CHF) et Genève (77'800 CHF), Zurich et Genève ne comptant pas parmi les cantons les plus avantageux d'un point de vue fiscal. La charge fiscale ne constitue donc pas le seul facteur qui explique les différences. Dans ces cantons, les revenus élevés s’expliquent aussi par la structure sectorielle, comme à Zurich, où le secteur financier très important tire les revenus vers le haut avec des salaires élevés et de gros bonus. Par ailleurs, de nombreuses sociétés de conseil et d’audit se sont établies dans le canton de Zurich. Les revenus sont également plus élevés que la moyenne dans cette branche. Genève dispose également d'un important secteur financier et présente un commerce des matières premières développé, où les revenus sont élevés.
Au bas du classement figurent les cantons du Jura et du Valais, avec un revenu moyen de respectivement 55'000 CHF et 51'400 CHF. Dans ces cantons aussi, le niveau faible des revenus s’explique entre autres par la structure sectorielle. Dans ces deux cantons, les branches à hauts salaires sont sous-représentées et les secteurs économiques offrant des revenus plutôt faibles sont en revanche relativement développés. Ainsi, dans le canton du Valais par exemple, près de 10% des salariés travaillent dans l’hôtellerie et la restauration, alors que la moyenne suisse est d’à peine 4,5%. Dans le canton du Jura, les salariés travaillent en grande partie dans des branches à plus faible revenu. L’industrie manufacturière y emploie 35% des salariés, mais cela inclut également l’industrie pharmaceutique et l’industrie horlogère, qui affichent toutes deux un niveau de productivité élevé et, de manière générale, un bon niveau de salaire. À l’échelle de la Suisse, seuls 15% de tous les salariés travaillent dans ce secteur.
Le canton d'Obwald réalise la plus forte progression, suivi de Bâle-Ville et d'Uri
Dans trois cantons, le revenu moyen entre 2007 et 2019 a enregistré une hausse de plus de 20% durant la période observée (Suisse: +11,5%): l’augmentation est d’environ 37% dans le canton d’Obwald, de 22% dans celui de Bâle-Ville et de près de 22% dans celui d'Uri. En revanche, le revenu moyen à Genève stagne quant à lui (-0,1%).
Pour éliminer la distorsion induite par un petit nombre de très gros revenus (qui pourraient influencer fortement la moyenne en particulier dans les petits cantons), l’étude se penche aussi sur le revenu médian. Le revenu médian est également le plus élevé dans le canton de Zoug, avantageux d'un point de vue fiscal, et s’y élève à 68'400 CHF. Le canton de Zoug est suivi au classement par les cantons de Bâle-Campagne (59'900 CHF) et de Zurich (59'700 CHF). Les revenus nets médians sont les plus faibles au Tessin (44'600 CHF) et dans le Valais (42'400 CHF). Dans le canton du Tessin, les liens étroits avec la grande zone économique milanaise expliquent en partie le faible niveau des revenus. La proximité de la zone Euro accroît nettement la pression sur les prix et, partant, sur les revenus, par rapport à la moyenne suisse. Plus de 25% des salariés dans le canton du Tessin sont des frontaliers, qui ont des prétentions salariales nettement inférieures à celles des travailleurs suisses. Dans six cantons, le revenu médian a enregistré une hausse de plus de 13% durant la période observée: l’augmentation est de 17% dans les cantons d’Obwald et d'Uri, de 14% dans ceux de Zoug et de Thurgovie et de 13% dans ceux de Schwyz et d’Appenzell Rhodes-Intérieures (Suisse: +9,2%). Le canton d’Obwald a donc signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Ce n’est qu’à Genève que le revenu médian – tout comme le revenu moyen – a diminué durant la période sous revue (-4,0%).
Conclusion de l’évolution des revenus
Les revenus ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2007 et 2019. Cela vaut tant pour le revenu moyen que pour le revenu médian. Le ménage moyen a donc pu profiter de l’évolution positive de l’économie. Parmi les cantons suisses, c’est le canton de Zoug qui affiche le revenu moyen et médian le plus élevé. À l’autre bout du classement, on trouve le Valais, où le revenu (tant moyen que médian) est le plus faible. Le canton d’Obwald a signé la plus forte progression, tant au niveau du revenu moyen que du revenu médian. Seul le canton de Genève a vu ses revenus chuter au cours de la période observée. Il convient de noter que cela ne signifie pas nécessairement que les revenus des ménages individuels ont baissé en moyenne: il peut aussi s’agir de l’effet d’un déplacement des structures des ménages, par exemple, si les ménages à hauts revenus ont davantage quitté le canton de Genève.
3 Répartition des revenus
Comment les revenus nets se répartissent-ils en Suisse? Ce graphique, appelé «Pen’s parade», indique tous les revenus des ménages suisses en percentiles, des valeurs qui divisent une série de données par ordre de grandeur en cent éléments. La répartition des revenus recouvre tout le spectre des revenus d’une population (du plus faible au plus élevé).
Répartition des revenus en Suisse
Revenu net des ménages en Suisse en 2016, en milliers de CHF
Source: AFC, BAK Economics
10% des ménages gagnent plus de 131'100 CHF et 50% des ménages, moins de 53'600 CHF
Le graphique est interprété comme suit: le 10e percentile (représenté par la 10e colonne à partir de la gauche) indique par exemple le niveau de revenu qui n’est pas dépassé par 10% des ménages. Le 50e percentile correspond au revenu médian.
En Suisse, la tranche de 10% des ménages au plus bas de l’échelle des revenus ne dépasse pas un revenu de 5900 CHF. Cette tranche rassemble principalement des élèves, apprentis et étudiants majeurs encore soutenus financièrement par leurs parents. En revanche, la tranche de 10% des ménages tout en haut de l’échelle dispose d’un revenu de plus de 131'100 CHF. Comme le montre déjà le revenu médian, la moitié des ménages en Suisse a un revenu net supérieur à 53'600 CHF, et l’autre moitié perçoit moins de 53'600 CHF.
Tous cantons confondus, la tranche supérieure de 10% des ménages gagne plus de 100'000 CHF
Comment se présente la répartition des revenus dans les cantons? La tranche des 10% des ménages aux revenus les plus élevés oscille entre 106'200 CHF minimum de revenus nets dans le canton du Valais et jusqu’à 199'900 CHF minimum dans le canton de Zoug (Suisse: 131'100 CHF). Cette valeur dépassait ainsi la barre des 100'000 CHF dans toute la Suisse. Le revenu net des ménages est le plus élevé dans le canton de Zoug (autour de 68'400 CHF, +13,6%), avantageux d'un point de vue fiscal. Ce canton est suivi au classement par ceux de Bâle-Campagne (59'900 CHF, +5,3%) et de Zurich (59'700 CHF, +11,8%). C'est au Tessin (44'600 CHF, +0,2%) et en Valais (42'400 CHF, +10,1%) que les revenus nets des ménages sont les plus faibles.

Revenu des ménages en CHF, taux de croissance en %
Source: AFC, BAK Economics
10% des ménages gagnent plus d’un tiers du revenu global
Si, en matière de répartition des revenus, on ne considère pas les limites de revenu, mais les parts dans le revenu global, en Suisse, les ménages de la tranche inférieure de 10% gagnent environ 0,4% du revenu global. 50% des ménages représentent 16% du revenu global, tandis que 90% des ménages s’arrogent 58% du revenu. Inversement, cela signifie que largement plus d’un tiers (42%) du revenu global est généré par les ménages de la tranche supérieure de 10%.
La part oscille entre à peine un tiers dans le canton d’Uri et 62% dans le canton de Schwyz
Sous l’angle cantonal, les parts des différents groupes de ménages dans le revenu total varient considérablement. Dans le canton d’Uri, la moitié des ménages génère près de 22% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. C’est à Genève que cette part est la plus faible, avec à peine 10%.
90% des ménages perçoivent la part la plus élevée du revenu global (environ 68%) dans le canton d’Uri; à l’autre bout de l’échelle, on trouve le canton de Schwyz (38%). A contrario, cela signifie que, dans le canton d’Uri, la tranche supérieure de 10% des ménages génère 32% du revenu global, contre un peu plus de 62% dans le canton de Schwyz.
Répartition des revenus en Suisse – vue d'ensemble
Le coefficient de Gini est l’indicateur le plus connu mesurant la répartition des revenus au moyen d’un chiffre unique. Ses valeurs s’étalent entre 0 et 1. La valeur 1 révèle l’inégalité la plus élevée: un seul ménage s’arroge alors tout le revenu d’un pays, ne laissant rien aux autres ménages. La valeur la plus faible est 0 et indique une égalité totale: chaque ménage d’un pays a alors exactement le même revenu. Plus le coefficient de Gini est faible, plus la répartition des revenus est équitable.
Le graphique suivant donne un aperçu du coefficient de Gini par canton.
Carte de la Suisse coefficient Gini
Source: AFC, BAK Economics
Répartition équilibrée des revenus en Suisse en comparaison internationale
En comparaison internationale, la répartition des revenus est équilibrée en Suisse. La Norvège, l’Autriche, l’Allemagne et la France affichent un coefficient de Gini inférieur à la Suisse. Par contre, de nombreux autres pays présentent une répartition des revenus nettement moins équilibrée que la Suisse.
Pour effectuer cette comparaison internationale, il faut veiller à utiliser une définition uniforme du revenu. Les coefficients de Gini de la Banque mondiale utilisés ici se basent sur une autre définition du revenu que le revenu net des ménages fiscaux. C’est pourquoi les valeurs du coefficient de Gini pour la Suisse dans la section suivante diffèrent des chiffres présentés plus haut. Dans l’optique d’une analyse détaillée de la répartition des revenus en Suisse, le revenu net constitue certes la source la plus appropriée, mais en raison des systèmes fiscaux très différents, il faut s’appuyer sur une autre définition pour la comparaison internationale.
Le coefficient Gini en comparaison internationale

2017
Source: Banque mondiale, BAK Economics
Aperçu des indicateurs

Source: AFC, BAK Economics
Répartition des revenus – conclusion
La moitié de tous les ménages en Suisse ne génère que 16% du total des revenus. La tranche supérieure de 10% produit 42% du revenu global. Cependant, en comparaison internationale, la répartition des revenus est relativement équilibrée en Suisse dans l’ensemble. Entre 2007 et 2019, on a néanmoins assisté à un léger étalement des revenus suisses, surtout pour les 10% des ménages situés respectivement en haut et en bas de l’échelle des revenus. Cette évolution doit toutefois être considérée avec prudence, car l’augmentation continue des étudiants (généralement parmi les 10% de revenus les plus faibles) au fil des années peut influencer cette comparaison. En comparaison cantonale, la moitié des ménages du canton d’Uri génère 22% du revenu global, davantage que dans tous les autres cantons. Dans le canton d’Uri, les ménages de la tranche supérieure de 10% captent la plus faible part du revenu global (32%), le chiffre le plus élevé, soit 62%, étant relevé dans le canton de Schwyz.
4 Évolution de la répartition
Comment la répartition des revenus a-t-elle évolué en Suisse et dans les cantons au cours des dernières années? Nous avons étudié la question.
Évolution stable de la répartition des revenus en Suisse durant la période observée…
Même si la période observée a été marquée par d'importantes difficultés économiques comme la crise financière, la crise de l'euro et l'abandon du taux plancher, la répartition des revenus en Suisse a conservé un niveau très stable. En 2019, le coefficient de Gini des revenus nets s’affichait à 0,48; par rapport à 2007 (0,47), il est donc resté extrêmement stable. En Suisse, le coefficient de Gini a diminué en 2009, 2012, 2016 et 2018, tandis qu’il a stagné en 2008 et 2015 et augmenté les autres années. La crise financière et économique mondiale de 2008 n’a donc pas eu, elle non plus, un impact tangible sur la répartition des revenus en Suisse. Même si la répartition des revenus n’a globalement guère changé, son évolution au cours de la période observée présente tout de même quelques aspects intéressants.
Coefficient Gini et quotient de quartile
Source: BAK Economics
… y compris dans les cantons
Les cantons où les revenus sont les plus équitablement répartis sont ceux d’Uri, d’Argovie, de Soleure et de Glaris, avec des valeurs de Gini situées entre 0,40 et 0,42 (Suisse: 0,48). On observe une répartition inégale des revenus à Zoug, Schwyz et Genève. Cependant, le point commun entre tous les cantons et la Suisse est le fait que la répartition des revenus a globalement très peu changé durant la période observée. Le coefficient de Gini n’a légèrement baissé que dans trois cantons, si bien que l’évolution va dans le sens d’une diminution de l’inégalité.
Carte de Suisse «Évolution de l’indicateur %» (Gini, médiane)
Source: AFC, BAK Economics
Le quotient de quartile montre une légère augmentation de l’inégalité de répartition.
Le quotient de quartile indique le rapport entre les revenus de la tranche inférieure de 25% et ceux de la tranche supérieure de 25%. Le quotient de quartile affiche également des valeurs comprises entre 0 et 1; toutefois, leur lecture est inversée par rapport au coefficient de Gini: plus le rapport est élevé, plus la répartition entre les quartiles est équitable. En Suisse, la tranche de 25% des ménages les plus pauvres n’a pas dépassé un revenu de 26'600 CHF. Dans la tranche supérieure de 25% des ménages, le seuil de revenu se situe à 86'900 CHF. Cela donne un quotient de quartile de 0,306. Le quotient de quartile s’inscrit à la baisse en Suisse depuis 2007 (en 2007, il s’affichait encore à 0,322). Selon le quotient de quartile, le déséquilibre dans la répartition s’est donc légèrement accru durant la période observée.
Les cantons de Genève et du Tessin affichent la plus forte hausse du déséquilibre dans la répartition
Dans les cantons de Zoug (36'800 CHF), d’Argovie (34'500 CHF) et de Nidwald (34'400 CHF), le revenu de la tranche de 25% des ménages les plus pauvres est le plus élevé, le revenu le plus faible dans cette même tranche revenant aux cantons du Tessin (19'200 CHF), de Genève (17'200 CHF) et du Valais (10'600 CHF). Dans la tranche de 25% des ménages les plus riches, le seuil de revenu est le plus bas dans le canton du Valais (71'900 CHF) et le plus élevé (117'200 CHF) dans le canton de Zoug. Le quotient de quartile le plus élevé (0,392) est celui du canton d’Uri, le plus bas (0,147), celui du canton du Valais. La répartition des revenus est donc la plus équitable dans le canton d’Uri et la moins équitable dans le canton du Valais.
Dans 18 des 26 cantons, le quotient de quartile est en recul depuis 2007. Selon le quotient de quartile, le déséquilibre dans la répartition des revenus a donc eu tendance à s’accroître durant la période observée. C’est dans les cantons de Genève et du Tessin que ce déséquilibre est le plus net; le quotient de quartile y est en baisse de respectivement 8 et 5 points de pourcentage. Dans quelques cantons, la répartition des revenus s’est en revanche davantage équilibrée. Ce constat est particulièrement manifeste dans les cantons du Valais (+2,9 points de pourcentage), d'Obwald (+2,9 points de pourcentage) et des Grisons (+3,0 points de pourcentage), comme l’indique la hausse du quotient de quartile.
Seuil de revenu de la classe moyenne en hausse d’environ 9,2%
Comme les individus aiment se comparer les uns aux autres et se répartissent aussi mutuellement en groupes sociaux, les catégorisations faciles sont très prisées. Selon une définition courante, la classe moyenne rassemble les personnes qui ont un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. Les revenus situés sous 70% du revenu médian appartiennent à la classe inférieure, ceux supérieurs à 150% du revenu médian, à la classe supérieure.
On appartient donc à la classe moyenne suisse à partir d’un revenu net annuel de 37'500 CHF. Cela signifie qu’environ 35% des ménages faisaient partie de la classe inférieure. À l’autre bout de l’échelle, la classe supérieure rassemble les ménages dont le revenu net est supérieur à 80'400 CHF. Cela représente environ 28% des ménages. La classe moyenne se compose des 37% restants des ménages.
Dans le canton de Zoug, on ne fait partie de la classe moyenne qu’à partir d’un revenu de 47'880 CHF. C’est le seuil de revenu de la classe moyenne le plus élevé en comparaison cantonale. Dans les cantons de Bâle-Campagne, de Zurich, de Schwyz d’Argovie, et de Nidwald aussi, le seuil est supérieur à 40'000 CHF. Cela signifie que dans les cantons de Zoug et de Zurich, environ 34% des ménages appartiennent à la classe inférieure, dans ceux de Schwyz et de Bâle-Campagne, 33%, et dans ceux de Nidwald et d’Argovie, 31%. À l’autre bout de l’échelle de répartition, appartiennent à la classe supérieure dans le canton de Zoug les ménages disposant d’un revenu de plus de 102'600 CHF (plus de 87'750 CHF dans le canton de Nidwald). Ainsi, la classe supérieure rassemble environ 30% des ménages dans le canton de Zoug, 29% dans celui de Schwyz, 28% dans ceux de Bâle-Campagne et de Zurich et 27% dans ceux d’Argovie et de Nidwald. Dans les cantons d’Argovie et de Nidwald, 42% des ménages appartiennent à la classe moyenne, 39% dans le canton de Bâle-Campagne, 38% dans les cantons de Zurich et de Schwyz, et 36% dans le canton de Zoug.
Si l’on examine l’évolution depuis 2007, on s’aperçoit que le seuil de revenu de la classe moyenne a augmenté de 9,2% en Suisse, ce qui est similaire aux autres indicateurs de revenu. C'est aussi valable pour tous les cantons, sauf dans celui de Genève (-4,0%). Les cantons d’Obwald, d’Uri, de Zoug, de Thurgovie, de Schwyz et d’Appenzell Rhodes-Intérieures affichent les taux de croissance les plus élevés.
La répartition des revenus est restée stable au fil du temps
La part de la classe moyenne dans le revenu total s’élève à 26,8%, soit 0,9 point de pourcentage de moins qu’en 2007, tandis que celle de la classe inférieure enregistre une hausse de 0,2% et celle de la classe supérieure une hausse de 0,7 points de pourcentage.
Si l’on répartit les ménages suisses non en classes de revenu (inférieure, moyenne, supérieure), mais en quatre groupes d’égale importance sur la base des quartiles, on obtient le graphique suivant pour la Suisse:
Classes de revenu en Suisse

Source: BAK Economics
La part des ménages situés dans la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global s’établit à 3,5%. Les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) détiennent 62,5% du revenu global. La tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages représente quant à elle 34,0% du revenu global.
La part de la tranche inférieure de 25% (P0-P25) dans le revenu global est la plus élevée dans le canton d’Uri (5,9%). La part de la tranche médiane de 50% (P25-P75) des ménages est la plus élevée dans le canton d’Uri, où elle atteint 40,7% du revenu global. Par conséquent, les ménages situés dans la tranche supérieure de 25% (P75-P100) dans le canton d’Uri perçoivent la plus faible part du revenu global (46,6%). Les parts respectives des revenus moyens et supérieurs sont les plus élevées dans les cantons de Genève, de Zoug et de Schwyz.
Augmentation du taux de risque de pauvreté
Le taux de risque de pauvreté correspond à la part de la population dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté se situe à 60% du revenu médian. Quand tous les revenus doublent, le taux de risque de pauvreté ne change pas; c’est un indicateur relatif qui ne mesure pas la pauvreté absolue.
Le taux de risque de pauvreté a augmenté légèrement au cours de la période sous revue. Cela peut néanmoins être dû au fait que le nombre d’apprentis et d’étudiants (âgés de plus de 18 ans et dès lors imposables) a également augmenté au cours de cette période.
Évolution de la répartition – conclusion
Le tableau ci-après présente quelques indicateurs pour la Suisse, ainsi que leur évolution entre 2007 et 2019.
Aperçu des indicateurs
Suisse | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur moyenne | 63'149 | 64'774 | 64'825 | 65'281 | 66'487 | 65'495 | 65'983 | 67'086 | 66'932 | 67'929 | 68'567 | 69'283 | 70'425 |
Médian | 49'100 | 50'100 | 50'400 | 50'500 | 50'800 | 50'800 | 51'100 | 51'400 | 51'400 | 52'400 | 52'600 | 53'000 | 53'600 |
Écart-type | 110'158.00 | 112'046.00 | 108'232.00 | 110'557.00 | 110'200.00 | 108'111.00 | 109'968.00 | 113'550.00 | 113'723.00 | 114'371.00 | 117'896.00 | 119'860.00 | 124'104.00 |
Coefficient de variation | 1.744415303 | 1.729795605 | 1.669596436 | 1.693554044 | 1.657467044 | 1.65066267 | 1.666620392 | 1.692597883 | 1.699084512 | 1.683685622 | 1.719436353 | 1.730021526 | 1.76220997 |
Écart-interquartile | 53'100 | 54'300 | 55'100 | 55'900 | 56'300 | 56'700 | 57'100 | 57'700 | 58'200 | 59'200 | 59'500 | 59'900 | 60'300 |
Quartile de quota | 0.322 | 0.322 | 0.318 | 0.313 | 0.313 | 0.309 | 0.308 | 0.306 | 0.302 | 0.303 | 0.302 | 0.304 | 0.306 |
Coefficient Gini | 0.474268317 | 0.47405082 | 0.473068297 | 0.475828767 | 0.482586801 | 0.475003749 | 0.476872593 | 0.481599867 | 0.481698066 | 0.479336858 | 0.481901795 | 0.481107175 | 0.483276069 |
Theil-Index | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Remarque: pour pouvoir évaluer l’évolution des écarts interquartiles au fil du temps, ce chiffre doit être corri-gé en fonction de la croissance des revenus. Source: BAK Economics
5 Complément: fortune
Toujours plus de millionnaires
Entre 2007 et 2019, le nombre de millionnaires a augmenté de pas moins de 63% pour dépasser les 350'000 ménages, soit 6,5% des ménages suisses au total. Avec 14,2%, le canton de Zoug enregistre la part de millionnaires la plus élevée par rapport à la population totale, suivi des cantons de Schwyz (13,4%), d’Appenzell Rhodes-Intérieures (11,6%), de Nidwald (11,2%) et de Zurich (9,5%). Cette hausse ne s’explique ni par le renchérissement (pratiquement nul), ni par la migration. Outre l’évolution positive des revenus, l’évolution des cours des titres et des prix de l’immobilier en particulier ont contribué à cette hausse. Le krach boursier lors de la crise financière en 2008 apparaît aussi dans les chiffres. Pourtant, le nombre de millionnaires ne cesse de croître depuis lors.
Millionnaires

Nombre de personnes
Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Fortune des millionnaires

En millions de CHF
Source: Administration fédérale des contributions, statistique de la fortune des personnes physiques, par can-tons et pour l’ensemble de la Suisse
Globalement, le volume de la fortune de tous les ménages privés a aussi fortement augmenté. La fortune immobilière en particulier s’est accrue de 70%, à 2131 milliards de CHF (soit 559'000 CHF par ménage), durant la période observée. Au total, la fortune privée des Suisses a augmenté de près de 55%, à 4871 milliards de CHF, au cours de la période observée (env. 1,28 million de CHF par ménage). L’effondrement engendré par la crise financière de 2008 apparaît clairement au niveau des créances financières (qui rassemblent les avoirs bancaires et les obligations, mais aussi les actions, les fonds communs de placement et les prétentions envers des assurances et des caisses de pension) et par conséquent aussi au niveau de la fortune totale. Ces valeurs patrimoniales s’entendent brutes. Si l’on déduit les engagements financiers de 908 milliards de CHF, la fortune nette des ménages privés était de 3963 milliards de CHF en 2019.
Fortune des ménages privés

En millions de CHF
Source: Banque nationale suisse, fortune des ménages privés
Répartition de la fortune – conclusion
En résumé, on peut dire qu’au total, en raison de la forte hausse des valeurs immobilières et boursières durant la période 2007 à 2019, les fortunes ont augmenté bien plus fortement en Suisse que les revenus ou le PIB. Le nombre de millionnaires et leur fortune ont dès lors également très nettement progressé.
Vous trouverez d'autres informations relatives à la procédure de même que les définitions les plus importantes ici.