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Hypothèques

Choyer son chez-soi

La densification appartient au passé: la campagne et les grandes habitations ont de nouveau le vent en poupe, même si ces dernières restent souvent un vœu pieux.

L’urgence rend inventif, surtout en urbanisme: après la peste, les bâtisseurs construisirent des murs et après le choléra, des canalisations. «Le coronavirus pourrait paradoxalement améliorer la qualité de vie des citadins», estime Donato Scognamiglio, CEO et codétenteur du CIFI, centre spécialiste du marché immobilier. «Les aires de promenade et les espaces verts vont se multiplier et la rue deviendra un nouveau lieu de vie.»

La surface, de plus en plus prisée

La numérisation avait influencé l’aménagement urbain et la construction d’appartements avant même la pandémie. Mais celle-ci renforce la tendance et adapte le monde réel aux réseaux sociaux: «On veut avoir des amis tout en gardant une certaine distance quand même», explique Donato Scognamiglio. C’est pourquoi le besoin d’espace augmente. Bureau, salle de bricolage, de gym ou de jeux, home cinéma, on veut tout avoir chez soi. Alors que les surfaces d’habitation ont diminué au cours de la dernière décennie, de nombreux indices laissent supposer un changement de tendance, que les chiffres cependant ne reflètent pas encore. Donato Scognamiglio explique que les surfaces habitables par personne se sont réduites, surtout en raison de la hausse des prix.

«Le coronavirus est le plus grand promoteur des zones rurales».

Le professeur identifie un décalage: actuellement, on ne construit pas d’habitations sensiblement plus grandes, alors que c’est justement ce que recherchent les particuliers. Résultat: un déplacement vers des régions où la surface est plus abordable. En d’autres termes, «le coronavirus est le plus grand promoteur des zones rurales».

L’air de la campagne «rend libre»

Les prix et le nombre d’objets immobiliers vendus ont continué d’augmenter en 2020. Dans les régions de marché les plus liquides de Suisse, les prix des maisons individuelles ont connu une hausse de 3,7%, et ceux des appartements en propriété de 0,5%. Les éventuelles baisses de prix attendues en raison du coronavirus n’ont pas eu lieu. Donato Scognamiglio présume que «ce qui ne s’est pas fait peut encore se faire».

En 2019 déjà, l’Office fédéral de la statistique recensait plus d’un million de maisons individuelles en Suisse. L’appel de la campagne se fait toujours plus sentir, alors que les villes se voient confrontées à diverses difficultés. Elles, qui autrefois étaient des points de rencontre, des places de marché et des lieux de travail, voient leurs magasins physiques détrônés par Amazon, Galaxus et Zalando. Parallèlement, la numérisation facilite le télétravail comme jamais auparavant et fait concurrence aux bureaux en ville.

«L’évolution reflète la situation à un moment précis. Or ce moment dure depuis un an déjà», explique Donato Scognamiglio. «Hors immigration, la population des grandes villes suisses a déjà reculé au cours des cinq dernières années.»

Tiny houses

Bien que les familles recherchent de nouveau des logements de plus grande taille, la tendance des «tiny houses» devrait poursuivre son envol. En effet, les toutes petites maisons de 15 à 45 m2 sont de plus en plus populaires. Alors pourquoi ne pas laisser la grande maison aux enfants et aux petits-enfants pour se replier dans la tiny house du jardin?

Donato Scognamiglio est CEO et codétenteur du Centre de formation et d’information immobilières (CIFI) à Zurich. Il est par ailleurs professeur titulaire à l’Université de Berne.